La forêt, lieu des enchantements
Alors que la cour du roi Arthur représente l'ordre et la civilisation, la forêt est un lieu encore sauvage où les règles de la chevalerie et du monde chrétien n'existent pas.
Ainsi, les forêts qui cernent le monde arthurien sont souvent ténébreuses, maléfiques et pleines de dangers. Il faut se souvenir qu'au début du Moyen-âge, les hommes n'avaient pas sur la nature la même maîtrise qu'aujourd'hui. Les lieux reculés et sauvages comme les forêts étaient réellement une source de danger et ceux qui y pénétraient pouvaient vraiment s'y perdre et ne pas en revenir. Traverser des bois pouvait s'avérer être une entreprise périlleuse car les voyageurs étaient totalement démunis face aux éléments naturels.
Certaines forêts étaient véritablement impénétrables, personne ne s'y aventurait jamais. Ainsi, comme tout ce qui est inconnu, elles suscitaient l'inquiétude et le fantasme. Quelles sortes de mystères pouvaient bien dissimuler ces immenses étendues ténébreuses ? Quels monstres et quelles créatures risquait-on d'y croiser ?
La forêt de la légende Arthurienne est donc un objet de fascination, c'est un endroit terrifiant d'où l'on risque de ne jamais revenir, mais pour des chevaliers en quête d'aventures et d'exploits à accomplir, c'est aussi un terrain de jeu idéal.
Le lieu de la magie et des enchantements
Si la forêt fait tellement peur aux hommes du Moyen-âge, c'est parce que ces derniers considèrent qu'elle n'appartient pas tout à fait au monde des humains. On la considére plutôt comme une sorte de frontière entre le monde tangible, réel, que l'on connaît et un univers étrange et mystérieux dominé par la magie et les enchantements. Au fond des bois, tout est possible, y compris les choses les plus extraordinaires. Des phénomènes météorologiques improbables ont lieu près des fontaines comme le constate Yvain dans Le Chevalier au Lion, on peut rester enfermé dans des prisons invisibles et les apparences y sont plus que trompeuses, ainsi, un simple lac peut en réalité dissimuler un palais magnifique. On peut aussi rencontrer dans les bois des animaux magiques comme des cerfs blancs, qui sont en réalité des esprits féeriques ou des enchanteurs déguisés.
Le lieu de l'aventure et des épreuves
Dans les forêts du royaume de Bretagne, le danger est partout, ainsi que les maléfices. Il est donc du devoir des chevaliers de la Table Ronde de partir explorer ces endroits oubliés pour en chasser les forces du mal et y faire rayonner la lumière de la cour d'Arthur.
La forêt peut donc être l'objet d'une mission, mais c'est aussi le lieu d'initiation où l'on peut faire ses preuves et se couvrir de gloire. Le chevalier doit partir seul. Là dans cet isolement, il pourra s'affronter lui-même et éprouver sa valeur. En effet, les bois sont peuplés d'êtres affreux et les occasions d'affronter un ennemi terrible ne manquent pas. Dragons, nains malfaisants, géants, monstres en tout genre sont prêts à accueillir les chevaliers en quête d'aventure. D'autre fois, l'adversaire est plus subtil et se dissimule derrière le visage d'une fée ou d'une demoiselle en détresse qui mènera le chevalier tout droit à des épreuves des plus périlleuses.
Le lieu de la sauvagerie et de la folie primitive
La forêt est un monde sauvage et sans lois à l'opposé de la cour civilisée du roi Arthur. Celui qui par malheur s'y égare prend le risque de perdre le contact la civilisation et d'en oublier ses règles. Ainsi, il risque fort de perdre la raison et de laisser l'instinct et les émotions reprendre le dessus et diriger ses actes. Devenir fou dans une forêt, cela signifie revenir à un état sauvage et primitif, proche de l'état animal.
Yvain, notamment, fait cette cruelle expérience. Rejeté par sa femme Laudine à cause d'une promesse qu'il n'a pas tenu, le jeune chevalier, fou de douleur se met à errer sans but dans la forêt et devient fou. Il déambule à travers les bois, nu, et se nourrit de chair crue. Il est secouru par un ermite vivant non loin de là, qui le confie ensuite aux bons soins d'une belle châtelaine. Mais c'est grâce à un onguent magique de la fée Morgane qu'Yvain retrouve finalement la raison.
Lancelot lui aussi fait l'expérience de la folie au fond des bois. En effet, lorsqu'il se croit rejeté par sa bien-aimée la reine Guenièvre, il devient fou et se met à errer dans la forêt, seulement vêtu d'une chemise, sans plus se rappeler ni son nom, ni son rang de chevalier.
Les personnages de la légende liés à la forêt
Lieu des épreuves et du danger pour certains personnages, la forêt peut aussi représenter un refuge pour certains autres.
Merlin, Viviane ou Morgane sont des personnages qui, contrairement à tous les autres ne craignent pas de traverser ou même de vivre dans la forêt. Au contraire, c'est là qu'ils se sentent le mieux et qu'ils ont choisi de s'installer. Cela s'explique de différentes façons.
D'abord, la forêt est un lieu spirituel, propice à l'étude, à la méditation et à la retraite. C'est là que vivent les ermites comme le père Blaise, le tuteur de Merlin. C'est là aussi que les personnages solitaires viennent se ressourcer, loin du tumulte du monde, dans la solitude et le silence. Loin de la société des hommes et des regard réprobateurs, ils peuvent mener leur vie comme ils l'entendent.
Pour Merlin, les séjours au fond des bois les plus reculés sont un moyen de trouver un équilibre et de vaincre ses démons intérieurs. Il y vit comme un sauvage et laisse libre cours à ses instincts les plus primitifs. Il profite de ces moments pour libérer la face sombre de son être. Grâce à cet exutoire, il peut revêtir, lorsqu'il retourne à la cour du roi, son costume de sage conseiller sans risquer de perdre le contrôle.
Pour Morgane, vivre dans la forêt est un moyen de se soustraire aux exigences et aux règles d'une société qui la rejette. Dans les bois, qu'elle soit installée dans un château ou au fond du Val sans Retour, la magicienne est libre de vivre comme elle le souhaite tout en gardant un lien distant avec le roi et sa cour.
La forêt est également un haut lieu magique. C'est là que l'on apprend et que l'on exerce la magie. Dans la légende arthurienne, la magie est en effet essentiellement liée à la nature et aux éléments. En toute logique, les lieux les plus sauvages comme les bois sont aussi ceux qui abritent le plus de magie. Les êtres qui ont un lien avec le monde féerique choisissent donc tout naturellement de vivre dans la forêt, puisque c'est d'elle qu'ils tirent leurs pouvoirs.
C'est dans la forêt que Merlin enseigne son savoir à ses disciples, Morgane et Viviane notamment. C'est là que vit Viviane, la dame du Lac qui possède de nombreuses caractéristiques propres aux fées. Quant à Morgane, elle est une enchanteresse qui, née humaine, prend au fil du temps de plus en plus de traits qui s'apparentent au monde féerique. Plus elle reste longtemps dans la forêt, plus ses pouvoirs grandissent et plus elle s'éloigne de sa nature humaine. D'abord, elle vieillit de moins en moins vite et pour finir, elle devient même une messagère de l'Au-Delà puisque c'est elle qui vient chercher Arthur, mourant, pour le conduire à sa dernière demeure.
Lieu d'initiation, d'épreuve, de dangers, mais aussi refuge magique propice aux enchantements, la forêt de la légende arthurienne est un décor d'une richesse infinie qui par de nombreux aspects rappelle la forêt des contes de fées.
Complexe et effrayante, la forêt cristallise les peurs d'une époque où l'homme n'avait pas encore de véritable emprise sur la nature. Elle est aussi le lieu des peurs archaïques et primordiales, le lieu où l'instinct et l'animalité prennent le pas sur la raison, le lieu où le côté obscur de chacun s'exprime en toute liberté. Pour tout ce qu'elle représente, la forêt est donc le terrain d'aventure idéal pour des chevaliers de la Table Ronde toujours en quête de nouveaux exploits.